dimanche 16 mars 2014

Code de procédure pénale
Présentation du nouveau code de procédure pénale
Abrogé à compter du 1er octobre 2003 par la loi n° 22-01 relative au code de procédure pénale promulguée par le dahir n° 1-02-255 du 3 octobre 2002 - 25 rejeb 1423 ; publié au B.O n° 5078 du 30 janvier 2003 (édition générale en langue arabe)
La procédure pénale qui fixe les conditions dans lesquelles les infractions sont sanctionnées, doit tenir compte de la double nécessité d'assurer l'efficacité de la répression et de garantir les libertés des citoyens.
Seule une procédure claire, rapide et énergique permet à la société de répondre valablement aux agressions dont elle est l'objet.
Seule une procédure pénale qui présume l'innocence des inculpés fixe des limites infranchissables aux arrestations et détentions, garantit l'inviolabilité des domiciles, respecte l'exercice du droit de propriété, assure la liberté de la défense, qui, en un mot, protège les citoyens contre les erreurs et les abus commis au nom de la société, est digne d'un pays libre.
La conquête de l'indépendance qui a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire du Maroc, a rendu nécessaire l'unification de la législation. Elle appelle un code qui réponde aux impératifs de l'Etat et aux aspirations profondes du peuple marocain.
Au fond le nouveau Code de procédure pénale, élaboré dans l'esprit qui vient d'être défini, respecte les grands principes qui ont subi avec succès l'épreuve du temps et tient compte des interprétations jurisprudentielles récentes qui ont su les adapter aux situations nouvelles. Il s'inspire des réformes législatives les plus modernes accomplies ou envisagées au cours de ces dernières années par certains Etats étrangers.
En la forme, indépendamment de dispositions préliminaires consacrées aux actions publique et civile et de dispositions terminales traitant des mesures transitoires d'application, le Code est divisé en sept livres qui concernent respectivement la recherche et la constatation des infractions, le jugement des infractions imputables aux majeurs et aux mineurs, les voies de recours, certaines procédures particulières, l'exécution des peines, le casier judiciaire et la réhabilitation. Le livre septième traite des problèmes à caractère international. Ce plan observe l'ordre logique selon lequel toute infraction doit inéluctablement être d'abord découverte et constatée, puis être appréciée par une juridiction dont le jugement est soumis à des voies de recours, puis être sanctionnée par l'exécution d'une peine, enfin pouvoir ultérieurement être effacée par une réhabilitation.
La rigueur de ce plan et l'index alphabétique annexés à la table des matières doivent permettre à tout juriste de se familiariser dans les moindres délais avec les dispositions de ce nouveau Code de procédure pénale.
Les principales réformes contenues dans les divers titres du Code peuvent être ainsi analysées:
Dispositions préliminaires Action publique et action civile
Les délais de prescription de l'action publique (art. 4) et de la peine (art. 689 à 691) sont désormais unifiés. Les actes de poursuite et d'instruction interrompent la prescription de l'action publique en toutes matières (art. 5) , donc même en matière de contravention. Quel que soit l'auteur du dommage, l'action civile peut être portée devant la juridiction répressive saisie de l'action publique (art. 9) , mais l'action civile n'en conserve pas moins sa nature juridique propre, et ne se prescrit que selon les règles du droit civil (art. 14 et 693 . Ainsi disparaîtra l'anomalie selon laquelle une action civile pouvait être prescrite au bout de trois ou de trente ans suivant qu'elle était fondée sur un délit ou sur un contrat.
Livre I : De la recherche et de la constatation des infractions
La commission s'est largement inspirée en cette matière des suggestions préconisées, tant dans l'avant-projet français de 1934 dit "Code Matter", que des réformes élaborées par la commission Besson et adoptées par la loi française du 31 décembre 1957, mais dans la mesure seulement où celles-ci ne nécessitent pas la création d'organismes nouveaux dispendieux, ou n'instituent pas des formalités telles qu'elles ne sauraient être observées sans une réorganisation judiciaire portant création d'un nombre considérable de postes de magistrats.
Compte tenu de l'étendue du royaume et de la nécessité de maintenir une discipline hiérarchique dans un nouvel Etat en pleine évolution, le Code conserve aux juges des tribunaux de paix ou du sadad et aux juges d'instruction leurs attributions de police judiciaire. Il confère à la chambre d'accusation des pouvoirs nouveaux, en fait une véritable juridiction d'instruction du second degré et donne à son président un droit de surveillance et de contrôle sur les informations suivies dans les cabinets d'instruction du ressort de la cour d'appel (art. 241 . Il prévoit néanmoins que si les nécessités du service l'exigent, les magistrats de la chambre d'accusation peuvent être appelés à compléter les autres chambres de la cour d'appel (art. 213 .
Livre II : Du jugement des infractions
Le Code maintient quatre catégories d'infractions :
                           
1° Les contraventions de simple police (art. 252) .- Ces infractions relèvent de la compétence des tribunaux du sadad ou de paix, dont les décisions peuvent être frappées d'appel devant les tribunaux régionaux ou de première instance, au cas de condamnation, soit à l'emprisonnement, soit à des amendes, restitutions ou réparations excédant dix mille francs (art. 383 ;
Pour assurer une évacuation rapide des affaires les moins graves, les articles 357 à 365 instituent la procédure simplifiée de "l'ordonnance contraventionnelle", suivant laquelle le juge peut rendre sans débat préalable une décision par défaut qui est notifiée aux contrevenants par lettre recommandée, et qui peut être frappée d'opposition.
2° Les délits, dits "délits de police" (art. 252 , dernier alinéa), pour lesquels la loi prévoit soit une peine d'amende, soit une peine d'emprisonnement d'un maximum inférieur ou égal à deux ans ;
Ces infractions relèvent de la compétence des tribunaux du sadad ou de paix, dont les décisions peuvent dans tous les cas être frappées d'appel devant les tribunaux régionaux ou de première instance (art. 406 ;
3° Les délits, dits "délits correctionnels" (art. 253 ), pour lesquels la loi prévoit une peine d'emprisonnement d'un maximum supérieur à deux ans, avec ou sans amende ;
Ces infractions relèvent de la compétence des tribunaux régionaux ou de première instance, dont les décisions peuvent dans tous les cas être frappées d'appel devant la cour d'appel (art. 426 ;
4° Les crimes, qui relèvent de la compétence des tribunaux criminels (art. 256 , juridictions constituées par les tribunaux régionaux ou de première instance complétés par des assesseurs-jurés (art. 434 ;
Les articles 434 à 513 déterminent la procédure applicable devant le tribunal criminel, le Code réduit à quatre le nombre des assesseurs jurés (art. 436 et laisse le soin de fixer leur mode de désignation à un dahir spécial sur l'assessorat, auquel renvoie l'article 438 ;
En matière de contumace, l'article 501 substitue aux modes de publication archaïque "à son de caisse et de trompe", la publication plus efficace résultant de trois diffusions sur les chaînes de la radiodiffusion nationale.
Il convient d'observer que pour éviter des répétitions, diverses dispositions destinées à être observées par toutes les juridictions répressives de droit commun, et relatives aux modes de preuve, à la composition des juridictions, à la publicité et au déroulement des audiences, aux constitutions de partie civile, aux troubles d'audience et à la rédaction des jugements et arrêts, ont été groupées sous le titre "règles communes" (art. 288 à 354 , qui s'imposent à l'ensemble de ces juridictions répressives. Par contre, les dispositions qui ne sont communes qu'à quelques-unes seulement desdites juridictions, sont énoncées à propos de la procédure propre à celle de ces juridictions que le projet examine en premier, et sont ensuite étendues par des références expresses aux autres juridictions, examinées ultérieurement, auxquelles elles sont également applicables.
Dans un but de simplification, les délais de citation devant les diverses juridictions ont été unifiés (art. 369 394 et 419 .
Livre III : Des règles propres à l'enfance délinquante
Ces règles sont énoncées dans les articles 514 à 567 .
Pour tenir compte des conditions particulières de développement des individus inhérentes au climat, la majorité pénale a été fixée à l'âge de 16 ans révolus. Toutefois, pour les délinquants de 16 à 18 ans les juridictions de jugement peuvent substituer ou adjoindre aux pénalités de droit commun, l'une ou plusieurs des mesures de protection ou de rééducation prévues pour les mineurs. L'abaissement de la majorité pénale a pour conséquence la suppression des tribunaux criminels des mineurs. En effet, ces juridictions n'étaient compétentes qu'à l'égard des délinquants de 16 à 18 ans.
Livre IV : Des voies de recours extraordinaires
Les articles 568 et 611 traitent du pourvoi en cassation en matière pénale et les articles 612 621 de la procédure de révision.
En ce qui concerne le recours en cassation, le nouveau Code précise et complète les dispositions trop succinctes que les articles 39 à 42 du dahir du 2 rebia I 1377 consacraient aux pourvois exercés en matière pénale.
Livre V : De quelques procédures particulières
Les articles 622 à 634 du Code réglementent les procédures du faux en écriture, de reconstitution des actes et des décisions judiciaires détruits ou disparus et de reconnaissance d'identité.
Livre VI : De l'exécution des décisions de justice du casier judiciaire et de la réhabilitation
Les articles 663 à 672 sont consacrés à la libération conditionnelle. Les articles 675 à 687 traitent de la contrainte par corps, et les articles 688 à 693 de la prescription de la peine. L'article 690 précise que lorsqu'une peine d'emprisonnement de plus de cinq années a été prononcée pour délit, la durée de la prescription est égale à celle de la peine. Ainsi disparaîtra l'anomalie qui permettait de prescrire par cinq années une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure.
Le casier judiciaire fait l'objet des articles 694 à 729 qui instituent au ministère de la justice un fichier des condamnations frappant les sociétés civiles ou commerciales et les personnes physiques qui les dirigent.
Enfin les articles 730 à 747 traitent de la réhabilitation de plein droit et de la réhabilitation judiciaire.
Livre VII :De la compétence à l'égard de certaines infractions commises hors du royaume et des rapports avec les autorités judiciaires étrangères
Les articles 748 à 756 déterminent la compétence des juridictions répressives du royaume à l'égard des crimes ou des délits commis hors de ses frontières. Les articles 758 à 760 traitent des commissions rogatoires à destination ou en provenance de l'étranger, les articles 762 et 763 de la reconnaissance par les juridictions répressives marocaines de certaines sentences pénales étrangères. Ces deux derniers articles, en prévoyant une possibilité de récidive internationale, amorcent à l'encontre des criminels de droit commun une tentative de coopération judiciaire internationale, corollaire de la coopération de police existant déjà entre les pays qui, comme le Maroc, ont adhéré à l'Interpol.
L'article 761 : relatif à l'extradition se borne à renvoyer au dahir particulier, qui en détermine les conditions de fond et de forme.
Garanties des libertés individuelles
Présomption d'innocence
Le principe selon lequel tout inculpé est présumé innocent, inspire manifestement le nouveau Code.
La présomption d'innocence s'applique à tous, aussi bien à l'inculpé primaire qu'au récidiviste, dont les antécédents ne peuvent en aucun cas être invoqués comme une preuve de culpabilité
Il résulte de cette règle que c'est au ministère public qu'il appartient de faire la preuve des délits.
Le ministère public représente la puissance publique et exerce librement l'action publique.
Le procureur n'est pas contraint de poursuivre aveuglément toute infraction. Entre le système dit de "l'opportunité des poursuites" et celui de la "légalité des poursuites", la commission a choisi le premier en reconnaissant au ministère public un droit de classement (toujours révocable) des procédures dont il est saisi (art. 38 . Ce droit est tempéré par la nécessité dans laquelle le procureur se trouve de suivre, dans ses écrits, les instructions du procureur général et du ministre de la justice (art 48 et par la possibilité, pour les victimes, de se constituer partie civile (art. 8 . Les parties lésées peuvent ainsi toujours provoquer une décision juridictionnelle dans les affaires qui, à leurs yeux, méritent des sanctions pénales.
Le représentant du ministère public, tenu de prendre des réquisitions écrites, conformes aux instructions qui lui sont données "développe librement les observations orales qu'il juge nécessaires à l'intérêt de la justice" (art. 36 , alinéa 2). Par ces termes nouveaux dans le droit écrit en vigueur au Maroc, le nouveau Code affirme la règle de la liberté de parole du ministère public.
L'inculpé doit avoir la possibilité de répondre aux attaques de l'accusation.
Sans s'arrêter immédiatement aux problèmes de détention préventive, de perquisition, de saisie et de défense qui forment autant de chapitres distincts des règles de la liberté individuelle et font l'objet de la suite de cet exposé, il convient de signaler ici que le nouveau Code a tenu à donner aux inculpés un moyen nouveau
L'article 177 : prévoit que l'inculpé peut choisir, au cours de l'information, un expert assistant qui, au cas où l'expertise doit porter sur des indices susceptibles de disparition, suivra le déroulement des travaux des experts désignés par le juge et formulera ses suggestions.
Les parties pourront toujours, au cours de l'expertise, demander à la juridiction qui l'a ordonnée que les experts effectuent certaines recherches ou entendent telles personnes qu'elles désigneront (art. 184 .
Les conclusions des experts devront toujours être notifiées aux parties, qui pourront formuler des demandes de complément d'expertise ou de contre-expertise (art 188
Ces règles qui n'instituent pas l'expertise contradictoire, telle qu'elle est conçue en matière de fraudes par des textes particuliers marquent cependant un net progrès par rapport au régime antérieur et apportent une solution au problème posé par la nécessité de mettre les travaux des experts à l'abri des attaques systématiques et de faire respecter les droits de la défense.
Détention préventive
Le nouveau Code affirme (art. 152 que la "détention préventive est une mesure exceptionnelle".
La justification de cette déclaration trouve sa source dans le principe général de la présomption d'innocence de l'inculpé. Toutefois, toutes les législations admettent la nécessité de l'arrestation de certains délinquants et de leur détention préventive pour s'assurer de leur personne, les empêcher de commettre de nouvelles infractions, ou de faire disparaître les preuves du délit.
La seule solution qui permette de maintenir les arrestations et les détentions dans les limites raisonnables consiste à en fixer les termes.
C'est à cette solution que se sont arrêtés les auteurs du nouveau Code.
Garde à vue. - On désigne sous ce titre la mesure par laquelle la police judiciaire maintient à sa disposition des personnes qui sont suspectes, mais ne font pas encore l'objet d'inculpation ni de titre de détention.
Sous ce titre de "garde à vue" de multiples abus ont été commis. Aucune réglementation ne fixait les conditions dans lesquelles la garde à vue pouvait être exercée au Maroc, bien qu'incontestablement elle soit une condition nécessaire de certaines opérations de police.
La loi marocaine avait cependant reconnu l'existence de cette pratique arbitraire, puisqu'un dahir du 22 safar 1333 (7 janvier 1915) avait autorisé le juge d'instruction des tribunaux institués par le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) à statuer sur le point de départ de l'exécution de la peine qu'il avait latitude de faire rétroagir au jour de l'arrestation.
Il s'agissait en somme d'un pouvoir discrétionnaire reconnu aux juges (qui n'en usaient pratiquement pas) pour pallier des abus habituellement tolérés.
Le nouveau Code réglemente le régime de la "garde à vue" et prévoit trois cas dans lesquels elle peut être exercée, dans d'étroites limites.
1° Dans le cas de crime ou délit flagrant. - L'officier de police judiciaire qui instrumente peut garder à vue la personne suspecte pendant 48 heures. Si des indices graves et concordants sont relevés contre cette personne, il peut la garder à sa disposition pendant trois jours au maximum sur autorisation écrite du procureur (art. 68) .
Tous ces délais sont eux-mêmes doublés lorsqu'il s'agit d'atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat.
L'officier de police judiciaire est tenu de mentionner sur son carnet de déclarations et sur son procès-verbal le jour et l'heure où la personne a été appréhendée, ainsi que le jour et l'heure où il la libère ou la présente au procureur (art. 69, 1°, art. 70) .
La même mention doit figurer sur un registre spécial contrôlé par l'autorité judiciaire, tenu dans tout local de police ou de gendarmerie (art. 69, 3°)
2° Au cours de l'enquête préliminaire. - L'officier de police judiciaire ne peut retenir plus de quarante-huit heures une personne suspecte. A l'expiration de ce délai, il doit conduire cette personne devant le procureur, qui ne peut prolonger la garde - par autorisation écrite - que de vingt-quatre heures (art. 82) .
Les formalités d'écritures prévues précédemment doivent obligatoirement être respectées.
3° Au cours de l'exécution d'une commission rogatoire. - Lorsque l'officier de police judiciaire exécute une commission rogatoire du juge d'instruction et se trouve dans l'obligation de retenir une personne à sa disposition, il doit la conduire dans les vingt-quatre heures devant le juge d'instruction.
Le juge d'instruction peut autoriser la prolongation de la garde à vue pour une durée de quarante-huit heures (art. 169) .
Les formalités d'écritures prévues dans les deux hypothèses précédentes doivent toujours être observées par les officiers de police judiciaire.
Ainsi une grave lacune est comblée.
Répondant à une nécessité qui n'est guère contestable, le Code institue un régime nuancé de la garde à vue dont la durée peut être plus ou moins longue selon qu'il s'agit d'un crime ou délit flagrant où il faut agir vite et ne pas laisser échapper les preuves, ou bien d'une affaire déjà ancienne. L'intervention nécessaire du procureur pour allonger les délais qui rappelle la procédure de l'habeas corpus, et la nécessité pour les officiers de police judiciaire de consigner, par écrit, toutes leurs décisions, assurent un contrôle qui doit éliminer les abus.
La détention préventive qui, généralement, fait suite à la garde à vue est une mesure extrêmement grave, qui n'est ordonnée par le juge d'instruction que sous certaines conditions.
Le nouveau Code prévoit que lorsque la peine est inférieure à deux ans de prison, la durée de la détention préventive ne peut, en principe excéder dix jours (art. 153) .
Si la peine prévue est supérieure à deux ans de prison, la durée de la détention préventive doit être limitée à deux mois (art. 154) . Cette détention ne peut alors être prolongée de deux mois en deux mois que par des ordonnances motivées du juge d'instruction rendues sur réquisitions également motivées du procureur.
A tout moment de la procédure, l'inculpé peut demander sa mise en liberté provisoire et le juge d'instruction doit statuer dans les cinq jours, faute de quoi l'inculpé a la faculté de saisir directement la chambre d'accusation qui se prononce alors dans les quinze jours. La partie civile n'est admise qu'à présenter ses observations au juge d'instruction (art. 156) .
Elle ne peut faire appel d'une décision concernant la détention de l'inculpé (art. 207) .
On note, dans le nouveau Code (art. 407) , que le prévenu doit être immédiatement mis en liberté, bien qu'appel ait été interjeté, s'il a été acquitté, absous, condamné à l'emprisonnement avec sursis ou à l'amende, ou encore dès que la peine prononcée en première instance est accomplie.
Toutes ces dispositions constituent, par rapport à celles du dahir du 15 safar 1373 (24 octobre 1953) formant Code de procédure pénale marocain, un progrès considérable pour la liberté individuelle.
Ce Code donnait pratiquement tous pouvoirs au commissaire du Gouvernement pour les questions de détention préventive. Il prévoyait, en effet, que le commissaire du gouvernement pouvait toujours décerner des mandats contre l'inculpé (art. 34 et 35) et ne permettait au juge d'instruction de les délivrer lui-même que sur avis conforme du commissaire du Gouvernement (art. 68). Au cas où le tribunal avait, sur une inspiration autre que celle du commissaire du Gouvernement, acquitté le prévenu, prononcé le sursis ou une peine d'amende, l'appel du commissaire du Gouvernement permettait de maintenir l'inculpé en détention préventive malgré la décision des premiers juges (art. 149) .
Quant à la détention préventive au cours de l'information elle pouvait, aussi bien devant les juridictions de droit commun que devant celles instituées par le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913), se prolonger pendant des mois, voire des années, sans que le parquet ni le juge d'instruction aient à prendre de décisions particulières pour s'expliquer sur cette anomalie.
Inviolabilité du domicile et de la propriété
Les perquisitions et saisies sont des actes d'instruction généralement fructueux, mais elles portent atteinte aux droits individuels, le domicile de chacun étant par nature un lieu dont la violation est interdite et le droit de propriété devant lui-même être toujours respecté.
Il a donc été nécessaire de fixer strictement les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire pourrait accomplit des visites domiciliaires et des saisies.
Le nouveau Code prévoit deux régimes distincts :
En cas de crime flagrant : une perquisition peut être opérée par un officier de police judiciaire au domicile des personnes suspectées d'avoir participé au crime ou au domicile de tiers.
Ces perquisitions doivent toujours être faites en présence des intéressés ou de témoins (art. 62) . Elles doivent avoir lieu de jour, sauf demande du chef de maison ou appels venant de l'intérieur (art. 64)
Les fonctionnaires qui perquisitionnent sont tenus en secret professionnel (art. 63)
Au cours de l'enquête préliminaire : les perquisitions et saisies ne peuvent être effectuées qu'avec l'assentiment écrit des personnes chez lesquelles l'opération a lieu (art. 81) .
Au cours de l'instruction : le juge d'instruction peut pratiquer des perquisitions et saisies.
Il doit lui-même se conformer aux règles indiquées ci-dessus applicables aux officiers de police judiciaire. Toutefois, en matière criminelle, le juge d'instruction peut, en personne, procéder à des perquisitions à toute heure du jour et de la nuit, en présence du procureur et des intéressés(ou de témoins) (art. 103) .
Le juge d'instruction doit prendre des dispositions spéciales pour garantir le respect du secret professionnel lorsqu'il perquisitionne chez des personnes tenues à ce secret (art. 104) .
Les objets saisis doivent toujours être inventoriés et scellés. Les scellés ne peuvent être ouverts qu'en présence de l'inculpé, assisté de son conseil (art. 105) . Seuls les objets utiles au développement de l'instruction sont conservés par le juge d'instruction. Enfin, le texte prévoit que le juge peut faire remettre aux intéressés, qui la réclameraient, la copie des documents dont la saisie sera maintenue.
L'ensemble de ces dispositions - dont la violation serait sanctionnée par la nullité de l'acte et éventuellement de la procédure ultérieure (art. 192) - sans préjudice des poursuites disciplinaires et pénales dont l'agent de l'autorité pourrait être l'objet - est de nature à assurer une sauvegarde sérieuse contre tous les abus qui peuvent se commettre dans ce domaine.
Liberté de la défense
Le nouveau Code affirme les droits de la défense à tous les stades du procès pénal.
Dès qu'il comparaît devant le juge d'instruction, l'inculpé est avisé qu'il est libre de ne faire aucune déclaration et qu'il a le droit de choisir un conseil (art. 127) . A défaut de choix et, s'il le désire, le juge lui désigne d'office un conseil.
L'inculpé détenu peut, aussitôt après sa première comparution, communiquer librement avec son conseil (art. 129) . En aucun cas cette communication ne peut être interdite (art. 129, alinéa 3) .
La partie civile peut se faire assister d'un conseil dès sa première audition (art. 130)
L'inculpé et la partie civile ne peuvent être entendus qu'en présence de leurs conseils qui sont convoqués au moins deux jours francs avant chaque interrogatoire. La veille de chaque audition, au plus tard, la procédure doit être mise à la disposition du conseil de l'inculpé et de la partie civile (art. 132) . Les conseils de l'inculpé et de la partie civile sont avisés de toutes les ordonnances juridictionnelles (art. 202) .
Toutes les ordonnances de règlement de la procédure, celles qui statuent sur la recevabilité d'une partie civile, celles qui prolongent la détention préventive ou statuent sur une demande de mise en liberté provisoire, sont notifiées à la partie civile et à l'inculpé (art. 202) .
A l'audience, le Code proclame que le juge ne peut fonder sa décision "que sur des preuves versées aux débats et discutées oralement et contradictoirement devant lui".
Le prévenu en tout état de la procédure peut recourir à l'assistance d'un défenseur (art. 310) .
Cet ensemble de garanties est de nature à protéger efficacement les citoyens.
Mais le Code n'en a pas moins entendu assurer l'indispensable autorité du Gouvernement en imposant aux procureurs l'obligation de se conformer dans leurs écrits aux instructions du ministre de la justice (art. 48) . Il sauvegarde, en outre, les possibilités d'investigation de la puissance publique en matière de crimes ou de délits portant atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat marocain. En ce cas, des pouvoirs spéciaux sont accordés aux gouverneurs des provinces (art. 33) , mais les délais pendant lesquels les suspects peuvent être gardés à vue sont doublés (art. 68) , et des règles plus souples sont édictées pour la recherche et la saisie des documents (art. 61 et 105 ).
Mesures transitoires
La mise en vigueur d'un nouveau Code exige nécessairement des mesures transitoires destinées à éviter lors du passage de l'ancien régime au nouveau des heurts et des complications.
Il a été notamment prévu (art. 767) que les actes de procédure, régulièrement accomplis avant la mise en vigueur du nouveau code, resteront valables et n'auront pas à être renouvelés lorsque le Code entrera en application.
D'autre part, pour permettre à chacun de se familiariser avec les nouvelles règles, le Code prévoit (art. 769) que pendant la durée d'une année seule la violation des formalités substantielles, qui auront effectivement porté atteinte aux droits de la défense, sera sanctionnée par la nullité.
Ainsi les juridictions auront le devoir de relever les erreurs commises - afin d'éviter leur renouvellement et d'éclairer leurs auteurs -, mais ne seront pas toujours dans l'obligation de les sanctionner par l'annulation.
La souplesse de ces dispositions permettra de réaliser, par la voie jurisprudentielle, un véritable enseignement, tout en sauvegardant les droits de la société et des justiciables.
La date de mise en vigueur du Code est fixée au 1er mai 1959.
En conclusion, par le juste équilibre des garanties qu'il donne à la fois à la société et aux individus, par les réformes qu'il introduit pour la constatation et le jugement des infractions et par l'unification des lois qu'il réalise, ce nouveau Code apportera une importante contribution à l'affermissement de nos institutions.
Mais les codes ne sont que des instruments et leur valeur intrinsèque serait de peu de poids s'ils étaient mal utilisés ou si leur texte était trahi, volontairement ou non.
Ce sont, en définitive, les hommes qui les appliqueront qui donneront toute la valeur à ces lois et accompliront l'oeuvre de rénovation judiciaire dont le Code de procédure pénale sera l'une des pièces maîtresses.
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